mardi 19 février 2013

Transition énergétique : tu causes, tu causes...



Vous êtes forcément au courant : depuis un mois se tient dans toute la France le débat sur la transition énergétique. L’occasion pour notre gouvernement de consulter l’ensemble des citoyens, afin de : « débattre sur ces principales questions : Quelle énergie dans 10, 20, 30 ou 40 ans ? Quels sont les investissements nécessaires aujourd’hui ? Comment développer les énergies renouvelables ? Comment optimiser au maximum nos consommations, utiliser au mieux l’énergie disponible ? ». Cette consultation doit aboutir à un projet de loi de programmation en octobre 2013. Electrisant, non ? 

S’il y a des questions sur lesquelles une consultation nationale est utile, je ne suis pas convaincu que ce soit le cas de notre politique énergétique.

D’autant que les grandes lignes sont déjà largement tracées.
Le Gouvernement s’est engagé à sortir progressivement du nucléaire en réduisant sa part dans la production d’énergie, de 75% à 50% d’ici 2025. Il a déjà annoncé la fermeture du site de Fessenheim.
Par ailleurs, une directive européenne sur l’efficacité énergétique fixe déjà le cadre global. D’ici 2020 nous devons accroître de 20% notre efficacité énergétique (la directive fixant même un plafond de consommation globale), limiter de 20% nos émissions de gaz à effet de serre, porter à 20% la part des énergies renouvelables dans nos consommations…
Au passage nous réaliserons aussi et en même temps l’exploit de réduire nos importations d’énergies fossiles. Formidable !

Nos institutions, nationales et européennes, négligent simplement un fait simple : les questions d’énergie relèvent d’avantage des lois de la physique que des décisions politiques.

D’ailleurs le débat est à peine entamé que les bonnes nouvelles arrivent. La dépêche est tombée hier: la facture d’électricité des ménages devrait augmenter de 30% d’ici 2017.
Bien sur c’est une projection. Mais elle a de grandes chances de se réaliser. D’autant qu’il s’agit sans doute d’une estimation à la baisse : un rapport du Sénat indique une hausse de 50% d’ici 2020.
L’électricité française est actuellement une des moins chère d’Europe. Il n’y a pas de raison que ça dure. Les ménages ont bien entendu l’occasion d’en débattre autant qu’ils le souhaitent.

Sortir progressivement du nucléaire comme le veut le chef de l'Etat tout en maintenant la production (grâce au charbon ?) et en intégrant des énergies renouvelables au réseau va coûter très cher (en admettant que ce soit réalisable sans augmenter les importations d'hydrocarbures). Le simple déploiement de Linky, le compteur intelligent à partir duquel se construiront les Smarts Grids, est estimé à au moins 4 milliards d'euros pour le remplacement de 35 millions de compteurs d’ici 2020. Et le compteur est une goutte d’eau dans le dispositif.

Enfin le monde physique a fâcheusement tendance à ne pas suivre les consignes et les directives. 
Les énergies fossiles qui servent aussi à la production électrique (environ deux tiers de l’électricité au niveau mondial, 10 % en France) ne sont pas en quantité infinie. Pour certains nous aurions déjà atteint le «  Peak Oil», le moment où la production décline du fait de l’insuffisance des réserves et de l’accroissement de la demande. Sur cette question je vous renvoie à l’excellent blog de mon confrère Matthieu Auzzaneau.
Les prix des hydrocarbures vont continuer à augmenter (le cours moyen annuel du baril de Brent est passé de 19$ en 1992 à 111,66$ en 2012).  Pour achever de vous convaincre (au cas où vous ne seriez pas automobiliste), je vous recommande deux vidéos : la présentation faite par Christophe de Margerie, PDG de Total, à la Commission des Finances en 2008, et l’exposé fait il y a quelques jours à nos députés  par Jean-Marc Jancovici. C’est un peu long, mais édifiant.  Ce dernier annonce tout simplement la fin du monde de l’énergie abondante et à bon marché. Avec pour corollaire la fin de la croissance en Europe. A la différence des Témoins de Jéhovah, Jancovici démontre ce qu’il promet. Et il a de l’humour.
Ceux qui souhaitent connaître ses arguments peuvent s’en resservir une louche sur son blog.

D’après le rapport 2012 de l’Agence internationale de l’énergie, la demande mondiale en électricité augmente presque deux fois plus vite que la consommation totale d'énergie. La consommation électrique dans le monde devrait augmenter de 70 % d’ici 2035. Malgré nos débats nationaux et nos directives européennes.

Avec une demande de plus en plus forte confrontée à une offre de plus en plus en plus contrainte, je ne vois pas comment nos factures d’électricité ne s’envoleraient pas.
D'autant que la hausse des prix va sans doute être amplifiée par nos chers (très chers) politiques au moyen de taxes : c’est en effet le moyen le plus éprouvé pour obtenir des utilisateurs une réduction de leurs consommations.  Baisse de consommation exigée par nos engagements internationaux et la lutte contre le changement climatique certes, mais aussi et surtout par les lois de la géophysique et la moindre disponibilité des ressources.

On peut débattre à l’envie de la transition énergétique : avec une hausse de 30 à 50% du prix de l’électricité, elle ne va pas se faire sans douleur !
Mais on peut toujours causer…

mardi 12 février 2013

Ici s’élevait l’hôtel de la Paix : street art et quart monde


Dans ma mémoire (et sur google map), l’hôtel de la Paix figure toujours muré.
Les parpaings, sous le marbre noir de l'enseigne, étaient régulièrement recouverts de tags, de pochoirs ou d’affiches.

En 2009, l’artiste Kouka s’empare de cette devanture. Puis ses guerriers bantous sont engloutis par un collage de Jana & Js (photo d’ouverture, prise en juillet 2011).

Aujourd’hui, à la place de l’hôtel il n’y a plus rien. Un reste de mur carrelé et un terrain béant.


La société immobilière de la ville de Paris va y ériger ça : un immeuble de 18 logements avec 30 m2 de panneaux solaires en toiture-terrasse.



Les pelleteuses étaient annoncées depuis 10 ans ou presque.

Un arrêté de péril est pris en 2003 et l’immeuble déclaré insalubre. Il en faut plus pour arrêter l’hôtellerie. Des plafonds s’effondrent, des associations se mobilisent, un locataire meurt de froid : pas question de fermer. Dans ce bouge, une chambre de 10m2 se loue 744 € par mois.

Jusqu’au vendredi 4 juin 2004, quand un architecte de la préfecture de police constate que le bâtiment menace de s’effondrer. Dans la nuit, les CRS font évacuer l’immeuble : une soixantaine de personnes, dont une trentaine d’enfants se retrouvent dans un gymnase. Des pillards en profitent pour faire le tour des chambres. Les familles locataires sont relogées dans d’autres hôtels dès le lendemain.
L’hôtel de la Paix ne rouvrira jamais. Il a aujourd’hui définitivement disparu.

lundi 11 février 2013

Qui veut des lasagnes ? Vous reprendrez bien un peu de cheval ? Les faits et la fable.


Un peu d'histoire
Il y a quelques années, je m’interrogeais dans les colonnes du Reader’s Digest sur le contenu de nos assiettes. Initialement publié dans l’édition française du magazine, cet article a été largement repris, de l’Espagne au Brésil et même carrément pompé sur des blogs peu scrupuleux. N’en déplaise à ma pomme d’auteur, le succès de ce papier est largement attribuable à la multiplication des scandales alimentaires et aux inquiétudes qu’ils suscitent. Le dernier en date, celui du cheval roumain dans les lasagnes anglo-franco-suèdoises, achève de discréditer les filières industrielles mais aussi les agences de santé supposées nous protéger.
A l’heure où j’écris ces lignes (autour de 10h00 le 11 février 2013) les responsabilités ne sont pas établies, chacun se renvoyant allègrement la barquette brulante. Mais certains faits sont déjà avérés et particulièrement préoccupants.

Du burger pour tous les goûts
Le lièvre a été levé (tout un bestiaire en fait) par l’agence sanitaire irlandaise qui a publié en janvier les résultats d’une vaste opération de contrôle d’hamburgers surgelés.  Sur 27 hamburgers testés 10 contenaient de l’ADN de cheval et 23 de l’ADN de porc (resultats détaillés ici).
L’occasion d’apprendre au passage, avec la BBC, qu’en Angleterre, selon les normes de la FSA (Food Standard Agency)  un hamburger premier prix est digne de ce nom s’il estconstitué, pour moitié, de viande ! L’autre moitié est laissée à l’appréciation du fabricant…

Lasagnes recherchent paternité
Mais revenons à nos lasagnes. C’est le groupe suédois Findus lui-même qui a alerté les autorités sanitaires (FSA again) britanniques après avoir effectué des tests révélant que certaines de ses lasagnes bolognaises au bœuf contenaient 100% de cheval. Ces tests ADN à en croire la direction de Findus France auraient été inopinés. Le rapprochement avec les hamburgers irlandais n’engage que moi et ma malveillance soupçonneuse. Il s’agit d’une coïncidence… Même si les tests ADN sont un peu chers, on ne voit pas pourquoi un groupe alimentaire s’en priverait pour savoir ce qu’il met lui-même dans ses propres préparations. On n’est jamais trop prudent…

Une enquête vite bouclée
La recherche des responsabilités fait émerger la filière.  On y trouve un industriel qui assure qu’ « aucune transformation n’a été faite sur les produits vendus à son client » alors que c’est précisément son métier.  On redécouvre le merveilleux système des marques blanches qui permet de vendre la même chose diversement emballée et à des prix différents.
Mais surtout on apprend de la bouche de notre ministre de la consommation l’implication de deux traders, l’un chypriote, l’autre hollandais. Qui sont tous ces intermédiaires qui se contentent d'acheter ou de livrer de la viande hachée ? Comment le recours aux traders (qui cherchent le prix le plus bas) est-il compatible avec des exigences de qualité alimentaire (qui imposent justement de connaître l’origine de la viande) ?
Enfin, décidemment très informé notre ministre déclare: « cette opération relève avant tout d’une logique financière qui aurait rapporté plus de 300 k€ ».
Que les fraudeurs aient agi par appât du gain, pas besoin d’être titulaire d’une licence d’histoire de l’université de Brest pour en être convaincu. Par contre pour chiffrer le montant du butin il faut être autrement plus savant. Connaître par exemple les volumes de viande concernés, le nombre d’intermédiaires, le prix d’achat du cheval, le prix de revente du cheval vendu comme bœuf et surtout avoir identifié les responsables. Avec de tels enquêteurs à la DGCCRF, Scotland Yard n’a pas besoin de mener d’enquête!
Encore un coup des gitans
Les conclusions vont s’imposer d’elles-mêmes : les coupables sont des criminels roms, qui nous ont fait bouffer les chevaux  (et même les ânes nous apprend The Independant ) qu’ils n’avaient plus le droit d’atteler à leurs caravanes pour sillonner les routes depuis l’entrée en vigueur d’une loi roumaine interdisant la chaussée aux équidés.  Une jolie fable qui permet surtout de ne pas pointer les manquements des multiples agences supposées nous protéger et garantir la traçabilité de notre alimentation.
Au fait, les porcs des burgers irlandais, ils viennent aussi d’un campement gitan ? On veut vraiment nous faire avaler n'importe quoi... 

Préambule

Bon, ça y est, je me lance sur la blogosphère.
Journaliste professionnel depuis bientôt 20 ans, je vais donner ici ma version des faits. Pas tant une vision personnelle de l'actualité ou des sujets qui me turlupinent, que les clés pour mieux les comprendre et se forger une opinion.